Chrystel Mukeba

 From BIP2012  - biennial of photography and visual arts in Liege 2012

The series "Confrontations" is the result of a shock, an awareness or a state of emergency; as the photographer explains, "this work was becoming obvious, I wanted to freeze those moments. I saw her become a child again with her frail and awkward body. This is how it was ... "


Chrystel Mukeba perceives her grandmother’s ageing and the floating presence of human finitude, and seeks to keep a trace of it.
Lengthy discussions surround these images. The camera on the tripod was a third person next to the two women, intervening only at important moments, the moments when something essential occurred. "Back bent by the years", the worn literary metaphor becomes here a poignant photographic object. The universe of a loved one, slowly coming to the end of their life, is captured in the daily routine and habits so as to better reveal the penetrating seriousness. What appears is restricted to an object, a symbol, a body part or a look scanning the nearby darkness. Coquetry lies at the bottom of a dusty bottle of perfume...
The sting of death is not far but the photographer’s respect and love conveys dignity and emotion to the prevailing austerity and to this slow progression of the fixity and the wilting of the body.
Old age and death are realities that affect us all. Yet it is often only when they become palpable, close and mixed with the anguish of loss that one feels the urge to dive in so as to understand and try to solve the riddle.
That is exactly what this series of images invites us to do.

Text by Anne-Françoise Lessuise and Jean-Pierre Hazée

From publication Boum! Bang! Magazine d'art contemporain 2015

Trop souvent le réel avale.
Chrystel Mukeba, elle, le digère. Ou si l’on préfère elle lui donne du corps.

La photographe sait que ce qui va de soi, n’est pas ce qui est. Il faut aller au plus profond. Déplacer. Ce déplacement impose un complet dépassement. Il fait surgir l’autre en soi dans sa complexité. Et quel qu’il soit: l’autre machinique, industrialisé, comme le plus sauvage et le plus «pauvre» ou vieilli.

Elle le métamorphose en un faire absolu qui chaque fois pousse plus loin le réel. Ce qu’elle crée, elle le chasse ou plutôt le fait évoluer.

Pour le comprendre il suffit de regarder la chronologiquement ses œuvres, parce qu’il y a toujours une autre vague à estamper ou à endiguer, une autre paroi à creuser.

Pour le réaliser l’artiste découvre ce qui est couvert et couvre ce qui habituellement semble à nu. Elle sait que pour voir et montrer il faut un long temps de travail. Celui qui permet d’armer le bras qui déclenche la photographie et fait perdre conscience de ce qu’est le réel dont la créatrice révèle les failles en contribuant à le dépouiller de tout ce qui, normalement, lui donne consistance (la figure entre autre).

Chrystel Mukeba souligne le disparate et la distance qui séparent l’être du monde, de l’être à lui même. Le corps (du moins ce qu’il en reste) se perd dans les espaces. Ce qui affleure est bien autre chose que les seules données de la psyché. Les couleurs semblent flotter et signifient l’expérience de l’extrême liée à celle d’une dérive dont ne subsistent que des repères épars. Tout se joue dans des complexes dimensions spatiales qui évoluent au fil du temps.

L’artiste joue entre une disparition insistante et une présence persistante. Elle rapproche d’un lieu de démarcation d’un état de vision et d’un état d’oubli, d’un état de vie spéculaire et d’un état fantomatique, diaphane. Une «rêverie» urbaine revient à errer au fond d’un instant sans borne quoique temporellement limité. Restent des reliefs là où l’espace résonne de silence. La lumière est parfois caverneuse et souvent étrangère à celle qu’on rencontre dans le réel.

L’image trouve soudain une autre spatialité à cheval entre la fiction et le réel.
La photographie n’est donc plus une zone de repli mais ouvre à une nouvelle condensation de l’image. Ajoutons que l’artiste trouve là un moyen de tuer tout maniérisme de la photographie. Le soyeux et le lissé créent souvent une verticalité. Appelle-t-elle à une sorte de spiritualité? C’est possible. Voire probable. Car il s’agit de scruter le réel de la réalité là où presque physiquement s’éprouve soudain l’existence de la manière la plus violente et pénétrante. L’image prend le relais des mots pour que se perçoive un abîme quotidien inaccessible au verbe. Quelque chose de radicalement caché, fermé, fascinant.

Texte Jean-Paul Gavard-Perret 

From exhibition 44 gallery 2014

Enigmatiques, la série Confrontation de Chrystel Mukeba figent un moment privé. 

La mémoire se place à l'aune d'une poésie de l'instant.

A contresens d'une dichotomie tragique, l'usuel devient un symbole du « sacré » ; le temps une arme.

Là où le monde roule ses sphères, où l'inconscient est une terre inconnue, l'image s'apparente au témoin, à une trace. L'angoisse surgit en un coup de sang. L'absence se mue en un kyrielle d'objets et de portraits descellés en une vérité iconique. Si l'on se retrouve aisément dans l'exposé, c'est au sein de la matière commune, de la banalité, que se livre le récit sous-jacent : l'intime est un secret, une question abyssale délivrée par la conscience de finitude des « choses ».

Texte par Luc Rabaey

 

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